Coureur d'expérience, capable d'aller décrocher des étapes sur Tirreno-Adriatico, le Tour Med ou de gagner le Tour de Wallonie, Julien El Fares évoque dans cette interview sa préparation pour 2018, sa technique pour rendre les séances sur home-trainer efficaces, mais il nous parle aussi de la vie dans le peloton, des objectifs de son équipe et bien sûr de son compteur Sigma Sport Rox 11.0
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Julien, le temps a été vraiment médiocre fin février début mars, même dans le Sud de la France, comment as-tu adapté ton entraînement pour rester en condition?
Même quand la pluie tombe, j’ai envie de m’entraîner, mais il faut prendre en compte les risques de tomber malade ou de chuter. Quand on approche d’un objectif comme Paris-Nice, ce n’est pas forcément une bonne idée.
Compte tenu de ces aspects, il est plus sage de privilégier les entraînements « indoor », à l’intérieur, sur home-trainer. Je pédale avec un logiciel sur écran qui me permet de m’entraîner efficacement. On fait moins d’heures, mais tout le monde sait qu’une heure d’home-trainer est équivalente à 1h30 sur route.
J’alterne aussi avec des séances de musculation à la maison, qui permettent de travailler d’autres filières musculaires. Si on combine tous ces éléments, même en restant chez soi quand il pleut, on peut faire des séances qualitatives en évitant les risques de chute et de maladie que comporte un entraînement dans le froid.
Quelle est la durée maximale d'une session sur home-trainer? Deux heures?
Quand il pleut et que mon programme indique 4 heures avec des intensités, je coupe mes entraînements en deux sessions, l’une le matin et l’autre l’après-midi, mais je ne dépasse jamais 1h30 sur les rouleaux. Ce n’est pas toujours évident de trouver la motivation mais aujourd’hui on a beaucoup d’outils qui aident à passer le temps.
Moi j’utilise un logiciel qui s’appelle Zwift qui permet de se mesurer à d’autres coureurs et d’évoluer sur un circuit. C’est plus agréable, mais ça suppose d’avoir un home-trainer de bonne qualité et j’utilise un gros ventilateur pour limiter ma transpiration.
Paris-Nice marque le début des courses à étapes importantes. Comment l’abordes-tu et quels sont tes objectifs?
Pour l’équipe Delko-Marseille-Provence-Ktm, c’est important d’être en forme et présente dès le début de saison. Nos objectifs arrivent très tôt. Le grand prix d’ouverture se fait chez nous à Marseille, et d’autres courses se déroulent ensuite dans les environs.
On se doit d’attaquer la saison avec une excellente condition physique et une motivation au top. La préparation hivernale commence dès la reprise en novembre, on fait déjà beaucoup de volume et fin décembre on intègre les changements de rythme.
10 000 BORNES AU DEPART DE PARIS-NICE
Les stages mis à disposition par l’équipe fin décembre et mi-janvier permettent de peaufiner la condition. On a un bon bloc de février à mi-mars pour être là à 100%, engranger le maximum de résultats pour un maximum de visibilité. Réussir un bon Paris-Nice c’est 80% du début de saison.
Sur les courses ASO par étapes WorldTour nous ne sommes invités que sur Paris-Nice. Nous tenons particulièrement à nous montrer et être à 100%. A titre personnel, je n’ai été prévenu que 72 heures avant le départ pour remplacer un coureur tombé malade mais ma condition est tout à faire bonne.
Parlons kilomètres…combien de bornes tu as dans les jambes au départ de ce Paris-Nice?
Depuis la reprise ça va vite…le mois de novembre 2000 km, 2800 en décembre, 3000 en janvier…février un petit peu moins parce qu’on court pas mal et on a beaucoup de récupération après. Si on fait un calcul rapide on est sur 10 000 bornes au départ de Paris-Nice, une grosse charge de travail.
Tu as débuté ta carrière en 2009, tu as donc une bonne expérience sans être pour autant un « ancien ». Depuis que tu as épinglé ton premier dossard en 2018, quel est ton ressenti sur le niveau général des courses et l'ambiance dans le peloton?
Aujourd’hui, tout le monde est préparé de façon excellente dès le début de saison. Quand j’ai commencé chez les pros, si on avait fait un bon hiver, on arrivait plus facilement à se dégager et se démarquer des autres. Il est plus compliqué d’aller chercher des résultats parce que chaque coureur est déjà bien préparé. J’ai aussi remarqué qu’il n’y a plus de temps mort, la moindre course est considérée comme un objectif par les équipes.
LA COURSE SE FAIT BEAUCOUP AU PLACEMENT
Avant, février était un mois de préparation, ça roulait un peu moins vite. Août et septembre aussi étaient plus calmes, les coureurs qui sortaient du Tour avaient besoin de récupérer, il y avait des opportunités à aller chercher. Maintenant c’est fini, je me dis parfois: « Mais ça ne va jamais débrancher un peu…? ». Le niveau ne cesse de s’élever et faire des résultats devient vraiment compliqué. Il faut être à 200%.
Je crois que les conditions climatiques jouent un rôle. Avant les hivers étaient plus rigoureux, on pouvait moins s’entraîner. Moi j’habite dans le Sud, près de Manosque, et je trouvais qu’il faisait déjà froid, alors je n’imagine pas pour les coureurs qui vivaient dans le Nord de la France. Maintenant tout le monde dispose de conditions correctes pour effectuer de bons blocs de travail.
Beaucoup de coureurs n’hésitent plus à organiser des stages personnels dans le Sud de la France ou en Espagne. Certains ont même un appartement sur la Côte-d’Azur pour se préparer dans de meileures conditions. Ajoutez-y les capteurs de puissance, les coachs dans chaque team…il n’y a plus de place pour l’amateurisme.
Je suis aussi impressionné par le niveau des jeunes coureurs qui arrivent à performer dès leur première année chez les pros alors qu’ils sortent d’une saison amateur! Il y a 10 ans, on avait besoin de temps pour s’adapter. Ils débarquent et sont immédiatement opérationnels. Il y a notamment une belle relève chez les Français.
On parle souvent de la « hiérarchie du peloton ». Tu pourrais revendiquer un titre de « capitaine de route » avec ton expérience. Est-ce que les jeunes sont si impertinents dans le peloton?
Oui, comme le niveau s’est élevé, la façon de courir a changé, elle est beaucoup plus fine. Avant, pour aborder une bosse, je pouvais me permettre d’être en soixantième position et avec de bonnes jambes on se retrouvait devant. Maintenant, même avec « la jambe », si on n’est pas placé au millimètre dans le top 10 au pied de la côte où il va y avoir la bagarre c’est difficile. Aujourd’hui la course se fait beaucoup sur du placement.
Les grosses équipes qui ont des jeunes qui marchent très fort chez Groupama-Fdj ou AG2R suivent ce schéma et n’ont plus aucun complexe. Ils ont raison, c’est la nouvelle façon de courir et c’est à nous, les anciens, de nous adapter. Le monde change, tout va très vite, il faut s’adapter aux nouvelles générations, sinon il faut arrêter ce métier, on n’a plus rien à faire chez les pros. Il faut savoir se remettre en question, c’est ce qui est difficile dans le sport de haut niveau.
Tu as décroché de très belles courses dans ta carrière: victoires d’étape sur Tirreno-Adriatico, sur le Tour Med, mais aussi le Tour de Wallonie. Quels sont tes objectifs en 2018? Ta stratégie est toujours de partir en baroudeur?
J’ai envie de gagner bien sûr, mais comme je vous le disais cela devient de plus en plus difficile. Je mise moins sur les échappées au long cours qu’avant, maintenant je vise des résultats « à la pédale », un registre difficile. Avec 10 ans d'expérience chez les pros, j’aide aussi les jeunes à progresser et à ne pas faire d’erreurs. Je les aiguille pendant les courses, mon rôle c’est aussi de prendre des décisions rapidement en course. Bref, je partage mon savoir.
C’est très honorable de ta part, mais le calcul des points UCI, qui oblige chaque coureur à surtout penser à soi pour en marquer (puisque les contrats sont souvent liés au nombre de points de chaque coureur) ne vient-il pas perturber cette transmission du savoir?
C’est vrai, mais nous chez Delko-Marseille on a la chance de ne pas être exagérément focalisés sur les points UCI. Sinon, effectivement, les contrats se signent en fonction des points et si on n’en marque pas, le salaire est revu à la baisse… C’est délicat de trouver sa place, il faut savoir tout faire: quand on n’est pas en capacité d’aller chercher des résultats il faut avoir l’humilité de se mettre au service de l’équipe. Par contre, quand la forme est là, il faut aussi savoir saisir les opportunités.
Par contre, quand il y a un leader unique, c’est compliqué. Tout dépend de la reconnaissance accordé dans l’équipe au travail effectué par chacun.
Vous devez avoir le moral au beau fixe chez Delko-Marseille parce que vous avez tenu tête aux grosses écuries en ce début de saison.
Oui, on a réalisé un bon début de saison. D’abord sur le Tour du Gabon et le Tour du Sharjah, on a pris confiance, et une spirale positive s’est installée, ça tire tout le monde vers le haut. La saison a vraiment bien commencé et on va tout faire pour continuer. Tout va très bien chez nous.
Est-ce que tu as de petites manies avant ou après la course? Contrôler le bloquage de tes roues etc…
Pas vraiment, ou plutôt si, je vérifie toujours mes freins avant une course. Je déteste quand le patin vient frotter la roue. Mentalement ça me perturbe, je me dis que je perds de l’énergie. Le vélo est déjà assez difficile comme ça!
Finalement tu es un coureur très complet: tu grimpes bien, tu t’engages dans les descentes même sous la pluie, tu sais frotter…
Disons que je suis polyvalent, l’homme à tout faire, je passe partout.
Comment utilises-tu le compteur Sigma Sport Rox 11.0?
Je l’utilise au quotidien, il me permet de sortir et d’analyser toutes mes données. Je travaille avec capteur de puissance, cardio, La connection avec le smartphone est vraiment intéressante. On peut vérifier ses données très rapidement après la course. On peut ensuite transférer les données sur des logiciels plus poussés comme le Sigma Data Center, Training Peaks pour les entraîneurs ou encore Strava. C’est un outil indispensable pour nous les pros.
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